L'automne approche et avec lui la saison des carnassiers.
Voici tirée du livre "D'un truc a l' autre " de 1947 de Michel Duborgel la technique de la pêche a la sondée.
Toute simple mais oh combien meurtrière d' après l' auteur. Et on peut le croire car si quelqu'un s'y entendait en matière de pêche du brochet c' est assurément MONSIEUR Duborgel.
LA SONDEE AU VIF :
Cette méthode, pratiquée par tous les romanichels du monde est incontestablement partout où elle est praticable la plus meurtrière de toutes.
Et non seulement elle permet de prendre plus de brochets que nulle autre, mais grâce à elle vous lisez la rivière dans ses moindres recoins, vous en connaissez immédiatement tous les fonds, leur nature, leurs accidents, mieux que les riverains eux-mêmes.
Mieux encore, lorsque vous aurez vraiment « pigé le truc », vous aurez acquis une telle sensibilité tactile que toutes vos autres manières de pêcher, brochet, saumon ou truite, en bénéficieront.
Et c'est pourtant bien simple !
Comme matériel ? La même canne que pour la coulée en rivière ou alors en étang une canne beaucoup plus longue, la plus longue possible : 7 mètres si vous pouvez en trouver une qui soit quand même légère.
N'importe quel moulinet, tambour fixe ou autre; aucune importance, vous péchez sous la canne.
Comme ligne , le fil du moulinet, une olive de 10 grammes coulissant sur ce fil, un avançon d'acier de 15 cm, un triple numéro 10.
C'est tout.
La seule condition à observer est d'employer une ligne un peu plus forte que pour les autres pêches car souvent vous irez chercher un brochet dans des coins impraticables autrement et que là il ne s'agit pas de jouer, d'autant plus que ces sortes d'endroits sont autant de cachettes à gros bêtas.
Par exemple, pour un tambour fixe, nylon 40 % et racine acier 4/0 Diamant.
ACTION DE PECHE :
Partout où l'eau est profonde à bord; en étang, lorsque l'eau fraîchit, le petit poisson se cache dans les anfractuosités du perré (l’enrochement de la digue) et les brochets se tiennent fréquemment exactement à sa base ; le long des roseaux ils sont en quête de proies possibles ; autour de la bonde, dans le profond où l'eau se refroidit moins vite, ils savent que les perches sont elles aussi à l'affût et que malgré leur dorsale épineuse dont ils se foutent comme de leur première dent, ces perches-là sont de fameux casse-croûtes.
En rivière, été comme hiver, au bas des enrochements des perrés et des piles, au long des « chaves » des berges minées par la crue, dans les racines, sous les branches d'aulnes baignant dans l'eau, au plus profond des remous à fonds irréguliers, ils se tiennent à l'affût de tout ce qui vit et qui bouge.
C'est dans tous ces coins-là qu'il faut les tenter.
Accrochez un vif par le nez de la façon déjà décrite. Puis tenant la canne d'une main, le talon appuyé contre l'aine, moulinet pick-up ouvert, le fil tenu entre deux doigts de l'autre main, vous descendez ce vif doucement, exactement comme si vous vouliez prendre le fond. Et vous sondez partout, très lentement en un mouvement dandiné très doux à droite, à gauche, vers le large, puis revenant vers le bord. Vous remontez doucement puis, changeant d'avis vous sondez encore.
Tous les fonds sont immédiatement contrôlés; au bout d'un certain temps, très court d'ailleurs, vous saurez percevoir très nettement les cailloux, les racines, le sable, les herbes, le contour de tous les obstacles, exactement comme un aveugle « voit » à l'aide de sa canne.
Au début, vous perdrez des montures, évidemment, mais très vite vous apprendrez à rendre la main à la moindre sensation d'arrêt.
Si c'est une accroche, le poids de l'olive faisant basculer l'hameçon vous rendra presque toujours celui-ci sans autre dommage.
Mais très fréquemment, ce sera la touche ; je ne connais pas
e n effet, de manière plus radicale d'exciter un brochet que celle-ci qui lui amène dans la gueule un vif qui n'en peut mais, malgré ses soubresauts et cela dans les pires endroits qu'il peut fréquenter.
Cette touche est toujours la même : rapide, très nette, aux phases très distinctes pour un petit; très lente pour un gros, comme une sensation d'accroche.
Dans les deux cas, lâchez immédiatement le fil ; rien ne gênera le brochet, le nylon coulissant dans l'olive. Laissez faire. Puis prenez contact légèrement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'à-coups
et que la traction devienne régulière, et ferrez, fil tendu, en sens
contraire de la direction prise.
Il est pris, ne rendez pas de fil, ou le moins possible, tenez-le au raide, votre grande canne jouant son rôle d'amortisseur.
S'il est gros, n'essayez pas de lui faire voir le jour tout de suite, travaillez-le en fond et ne l'amenez en surface que progressivement.
Ne tirez jamais dans son axe, mais pour autant que les obstacles environnants vous le permettent, bridez-le de côté, vous déséquilibrerez sa nage et le conduirez à la gaffe comme avec des guides. Ceci vaut pour tous les gros poissons que vous pourrez prendre à n'importe quoi.
Avant de pêcher un coin, plus il est encombré, imaginez avant coup les péripéties de la bagarre et pensez non seulement à l'endroit où vous pourrez toucher le bestiau, mais à l'endroit d'où vous pourrez le sortir.
Rien n'est plus idiot en effet de ne se rendre compte qu'après coup qu'un mètre plus loin, tout était facile, alors que là où vous êtes, la casse est à peu près irrémédiable.
Cependant, ne vous affolez pas, péchez partout, glissez la canne sous les branches, même s'il n'y a que juste assez de place pour y passer le vif au bout du scion.
Souvent, dans un tel endroit, votre belle vandoise est à peine dandinée deux ou trois fois au ras du fond, que vous la sentez se débattre au bout de la ligne et, tout à coup, la traction lente et lourde du gros pépère !
Le scion furieusement secoué, vous ne pouvez relever la canne à cause des branches, plongez-la carrément dans l'eau, la pointe vers le fond et le plus au large possible... Il y a des racines à bord dans lesquelles notre brochet chercherait immanquablement à se réfugier.
Travaillez-le dans cette position jusqu'à ce que vous le sentiez inerte, pesant de tout son poids au bout de la ligne. Vous serez tout surpris de voir apparaître sa grande gueule au bout du scion.
Il reste évidemment à le sortir de là... et vous conviendrez avec moi que ça n'est pas le moins scabreux !
Si vous avez un copain sûr, faites-lui gaffer la bête. Si vous êtes seul... glissez la canne en arrière jusqu'à ce que vous puissiez l'atteindre.
Ça n'ira pas sans émotion... mais qu'est-ce que vous cherchez si ça n'est pas l'émotion ?
Si j'ai choisi intentionnellement le cas le plus difficile dans lequel vous pourriez vous trouver en pêchant à la sondée, c'est parce que je voudrais, aussi incrédule, que vous puissiez être, bien vous persuader que, si vous osez, vous finirez par sortir de gros poissons plus facilement que vous ne l'imaginez, de coins réputés impraticables.
Ils vous casseront sans doute de temps en temps. Je me fais aussi casser, soyez-en sûrs.
Mais vous aurez pas mal d'excuses, le souvenir d'une sacrée bagarre et rien à regretter.
Et si, un jour, vous sortez le beau douze livres d'un coin pareil sous l'œil d'abord narquois puis complètement ahuri du type qui, vingt mètres plus loin, pêchait en eau libre avec sa grosse toupie, vous serez largement payé rien qu'à voir la tête qu'il fait ! Ce qui ne vous empêchera pas d'aller lui en piquer un autre à trois mètres de sa ligne... histoire de vous remettre de vos émotions et de le laisser lui littéralement sur le cul !
Utilisez de beaux vifs, cette pêche n'a rien à voir avec ce que l'on appelle la dandinette, et vous prendrez, surtout si vous employez le goujon, non seulement des brochets, mais aussi des perches, des chevesnes, des barbillons; j'ai même pris de cette façon une carpe de 14 livres.
Le seul inconvénient de cette méthode est que tout poisson pris l'est généralement dans la gorge, gros ou petit.
Comme il est bien entendu que nous voulons laisser grossir les petits, sacrifiez la monture, décrochez-la de l'émerillon et laissez repartir avec elle tout brocheton ne faisant pas largement la livre.
Je ne sais pas comment ils font, peut-être sécrètent-ils un suc qui finit par tellement oxyder la monture qu'elle finit par disparaître. Ce qui pour moi ne fait aucun doute est que, voulant tenter l'expérience, j'ai relâché en Loire basse des brochetons pris très profondément, leur vrillant un laiton dans le nez afin de les reconnaître.
J'en ai repris trois et n'ai retrouvé que dans un seul une monture aux trois quarts oxydée.
Voici un croquis de coins types pour la sondée (petites croix) en Loire et en étang.
On peut évidemment pêcher de cette façon avec une monture à hameçons multiples, genre Jardine et ferrer a la touche.
Mais les risques d'accrochages sont doublés et un gros brochet pris par la gueule, même par les deux hameçons, se décroche plus facilement, d'autant plus qu'il se défend davantage que pris dans le gosier.
Et puis, c'est tellement plus amusant cette touche en décomposant, ce moment où, venant de laisser filer, vous n'êtes pas sûr, malgré les détails de cette touche vous faisant penser à un petit, que ce n'est pas le tout gros.
Le tout gros que je vous souhaite !