Dans mon dernier article, je vous ai indiqué comment préparer le colorant grâce auquel vous pourrez teindre le fameux asticot «annatto».
J'ai également souligné que la principale difficulté consistait à persuader les asticots de manger ce colorant qui va leur donner un beau « jaune beurre », très attractif pour le poisson.Le plus difficile est de bien déterminer le moment auquel on va mélanger le colorant à la viande. Si vous choisissez mal, vous connaîtrez l'échec comme l'ont connu beaucoup d'éleveurs débutants... y compris moi. Il ne faut pas se décourager pour autant. La meilleure méthode pour réussir consiste à surveiller les jeunes asticots quand ils commencent à se développer. Quand ils sont à peu près à mi-croissance — avec un peu d'habitude vous déterminerez facilement ce stade — observez attentivement...et vous remarquerez qu'il arrive un moment où il y a une brusque accélération dans leur alimentation. Ils se mettent véritablement à dévorer la viande, comme s'ils étaient atteints de boulimie. C'est le signal que vous attendez et le début de la période pendant laquelle les asticots se nourrissent avec une telle frénésie qu'ils ne font même pas attention à ce qu'ils mangent.
Il faut alors prendre le colorant que vous avez préparé et en badigeonner, avec un couteau, tout le cœur y compris, c'est important, les profondes entailles que vous aviez coupées dans la viande avant de l'exposer aux mouches.
Puis vous entourez le cœur avec un brin de laine. Celle-ci est plus souple que de la ficelle et peut être nouée assez fermement mais pas trop serrée ; elle est destinée à maintenir les entailles bien fermées de sorte que les asticots se nourrissent à l'intérieur de la viande. Placez ensuite le cœur dans un seau en plastique sur du son, en dirigeant les entailles vers le fond : les asticots se nourrissent mieux dans l'obscurité. Il ne reste plus alors qu'à laisser les asticots manger tranquillement, jusqu'à ce qu'ils aient dévoré le cœur. Vous les nettoierez ensuite comme je vous l'ai déjà indiqué, et vous constaterez qu'ils sont d'un beau jaune.
Les pêcheurs anglais considèrent l'asticot « annatto » comme très rentable et complémentaire du gozzer. Il est bon d'essayer l'un et l'autre. C'est pourquoi vous pourrez, en suivant les procédés que je vous ai indiqués, élever parallèlement des annattos et des gozzers : attention, vous devez le faire dans deux récipients différents et ne jamais essayer de les élever ensemble.
Je vous ai, jusqu'à présent, parlé des asticots spéciaux, destinés à l'eschage et qui ne sont produits qu'en petite quantité.
Voyons maintenant les asticots que vous pourrez élever en grande quantité, en particulier ceux qui vous serviront à produire les « casters », ces épines-vinettes lourdes dont certains pêcheurs français ont pu découvrir l'efficacité étonnante.
Même si cela peut vous paraître compliqué à première vue, je vous suggère, pour une production en grande quantité, de prévoir une sorte de « cage à mouches », autrement dit une réserve de mouches vivantes que vous aurez toujours à disposition pour pondre quand vous le désirez. Cela a de nombreux avantages, en particulier de vous garantir des œufs de la race exacte de mouche que vous désirez. Autrement dit vous pouvez contrôler précisément votre production en qualité et en quantité.
Cela implique, évidemment, de prévoir une « cage à mouches » pour chaque espèce de mouche différente puisque, encore une fois, il n'est pas possible d'élever en même temps deux races différentes d'asticots.
A quoi ressemble une « cage à mouches » ? Le meilleur « modèle » que je connaisse est une grande caisse en bois d'environ 1 mètre à 1,25 mètre de côté. Si vous regardez les photos numéros 4 et 5, vous aurez déjà une idée de sa conception générale.
Il y a un certain nombre d" «équipements», tout d'abord une ampoule électrique dont le rôle essentiel est de procurer de la chaleur. Elle est placée à peu près au milieu d'un des côtés de !a caisse. A l'expérience, une ampoule de 160 watts convient bien, et apporte assez de chaleur aux mouches. Prévoir ensuite un plateau métallique où sera déposée la viande (attention, le plateau ne doit pas être aussi près de l'ampoule qu'il y paraît sur la photo, trompeuse par la perspective).
La porte de la cage mérite l'attention. Mieux elle fermera, moins vous risquerez de perdre des mouches... et d'avoir des ennuis avec le voisinage si votre élevage est près d'une habitation. Cette porte, facile à « bricoler " est coulissante et une bonne sécurité consiste à ajouter derrière un " rideau « de caoutchouc où vous aurez aménagé plusieurs fentes permettant de passer la main et de déposer la viande (photo n" 6).
Si vous regardez à nouveau avec attention la photo n' 4, vous remarquerez, à la base de la caisse, une espèce de tiroir. C'est, en fait, un double fond qui peut se tirer et permet de nettoyer la cage sans l'ouvrir et de la débarrasser des mouches mortes. Quant au-dessus de la caisse, une partie est en bois, et une partie de 30 cm de large environ est en grillage de 3 mm de diamètre. Ce grillage sert à nourrir les mouches : pour ce faire, nous utilisons du sucre cristallisé. Il est possible — mais ce n'est pas une obligation — de disposer une plaque de plastique transparent à glissière qui viendra au-dessus du grillage: cela permet de surveiller ce qui se passe à l'intérieur de la cage.
La seule chose qui vous manque est le récipient où vous déposerez la viande, sur le plateau métallique : une vieille assiette fera l'affaire. N'oubliez pas, cependant, qu'elle devra pouvoir entrer dans la porte que vous avez aménagée,
La cage construite, comment s'en servir ?
Il vous faut d'abord des mouches et pas n'importe lesquelles. Pour avoir celles que vous désirez, il vous suffit de prendre les asticots correspondants (élevés comme je vous l'ai indiqué) et de les laisser « mûrir ». Quand ils sont au stade de chrysalides, vous mettez celles-ci dans un bocal dont le couvercle sera percé de trous pour permettre à l'air d'entrer (en effet, bien qu'inertes, les chrysalides ont besoin d'air) et vous les recouvrez d'un peu de sciure. Une chose importante : avant de refermer le couvercle, vous disposez sur le bocal une feuille de papier « toilette ». Celle-ci laisse passer suffisamment l'air mais empêchera l'intrusion d'une petite mouche noire, qui doit certainement exister en France, et qui a la fâcheuse manie de venir pondre sur les chrysalides, ce qui doit, bien entendu, être absolument évité. Ce qui se passe ensuite, je vous le dirai le mois prochain.
Colin GRAHAM (traduction D. MAURY)