Dans les années 85 , Daniel Maury, rédacteur en chef de la revue " La pêche et les poissons" publiait une série d'articles sur la fabrication des asticots telle qu'elle se pratique en Angleterre.
A cette époque, les seuls asticots qu' on pouvait trouver sur le continent se vendaient en très petite quantité ( rappelez vous: une boite de sciure de bois et une vingtaine de larves qui gigottaient dans le fond).
Il avait demandé a son ami Colin Graham, membre de l' equipe anglaise de pêche de compétition d'en donner les secrets.
les temps ont changé et on trouve maintenant dans notre beau pays des larves de bonne qualité a des prix "anglais" mais je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager cette série d'articles.Asticots made in england
Les Français qui ont eu l'occasion de pratiquer en compagnie de pêcheurs au coup anglais ou de les voir opérer ont tous été intrigués par leur technique, leurs amorces, leurs esches.
En Angleterre, pas de canne roubaisienne - mais une canne à anneaux et un moulinet, même pour les poissons « de friture » - , pas d'amorce compliquée - mais simplement du pain moulu - , et, surtout, une esche quasi-exclusive, l'asticot. Des asticots de toutes tailles, de toutes couleurs, et à tous les stades de leur évolution, jusqu'au fameux « caster », une espèce d'épine-vinette lourde qui constitue une esche extraordinairement prenante comme nous avons pu le constater.
Partant du principe que ce qui est valable en Angleterre peut certainement l'être en France, nous avons décidé d'étudier de plus près les modes de pêche britanniques, et nous avons demandé à un confrère, Colin Graham, de nous initier à « la pêche à l'anglaise », en commençant par une série d'articles consacrés aux asticots « made in England ». C'est, en somme, des « secrets de fabrication » qui vont nous être révélés, et qui pourront être utiles aussi bien aux pêcheurs qui élèvent eux-mêmes leurs asticots qu'aux professionnels qui fournissent les détaillants et qui, semble-t-il, n'ont pas toujours étudié la question d'aussi près que leurs confrères d'Outre-Manche. Comme on le verra, la méthode consistant à exposer n'importe quel morceau de viande plus ou moins avariée à la ponte de n'importe quelle mouche est loin d'être la meilleure.
C'est la plus facile mais la plus habituelle en France, et l'on peut, soit dit en passant, s'étonner dès lors des prix pratiqués chez nous : un litre d'asticots vaut à peu près quatre fois moins cher en Angleterre qu'en France, alors que la qualité est, en tous points, supérieure.
Cela dit, voici donc le premier des articles de Colin Graham. On nous pardonnera de devoir donner quelques détails peu appétissants... mais, comme chacun sait, les asticots ne poussent pas sur des lits de roses..- D. M.Il est vraisemblable qu'en France, l'esche animale la plus utilisée pour le poisson blanc, particulièrement en compétition, est le ver de vase, d'autant plus rentable que l'amorce contient du « fouillis ».
Chez nous, en Angleterre, où le ver de vase est très peu employé, c'est l'asticot - sous toutes ses formes et spécialement au stade de la chrysalide, que nous appelons « caster » - qui est, de très loin, l'esche la plus utilisée et la plus appréciée des poissons.
Depuis quelques années les rencontres entre pêcheurs français et anglais ont suscité un intérêt mutuel pour ce problème des esches, et si, de notre côté, nous apprenons - lentement mais sûrement - à connaître les vertus du ver de vase et la façon de l'employer, les pêcheurs français ont manifesté une grande curiosité à propos de nos asticots.
C'est pour satisfaire cette curiosité que mon ami D. Maury m'a demandé d'expliquer en détail la façon dont nous élevons nos asticots. A en juger par ceux que nous avons vus en France, et sans vouloir être désobligeant, je pense que vous avez, en effet, beaucoup à apprendre dans ce domaine 1
Pour débuter, je vous suggère de commencer par essayer d'élever une petite quantité d'asticots de première qualité; par la suite, et quand vous aurez bien en main la « technique », vous pourrez tenter l'élevage sur une plus grande échelle.
Nous utilisons en Angleterre de nombreuses espèces différentes d'asticots : certains pour l'es-chage, d'autres pour l'amorçage. Nous verrons plus tard quand et comment employer ces différentes espèces : pour l'instant, tenons-nous en aux principes de base pour nourrir des asticots, et parmi ceux-ci, je vous propose d'étudier la technique d'élevage de l'asticot maintenant le plus renommé chez nous et qui fut pendant des années l'esche secrète de quelques pêcheurs :
nous l'appelons le « gozzer ».
Je n'ai jamais su d'où venait ce nom... Toujours est-il que nous connaissons maintenant la façon de l'élever, et c'est l'essentiel. Le gozzer est ce que nous appelons un « asticot spécial », autrement dit d'une qualité supérieure, et destiné uniquement à l'eschage, spécialement pour les pêches très difficiles. De nombreux pêcheurs — particulièrement des pêcheurs de compétition — les élèvent eux-mêmes régulièrement.
On a longtemps cru, à tort, que le gozzer ne pouvait être nourri qu'avec de la viande de pigeon. Celle-ci, disait-on, était déterminante pour la qualité de l'asticot. On s'est aperçu par la suite que le gozzer peut être nourri avec de nombreuses viandes, car il n'est pas le résultat d'une nourriture particulière mais d'une mouche spéciale, dont le nom scientifique est « calliphora erythrocrephala ».
Celle-ci est différente de la mouche la plus commune (mouche bleue) qui est issue des asticots courants tels que ceux que vous utilisez en France, et de la mouche verte qui donne naissance à des asticots beaucoup plus petits que nous utilisons pour l'amorçage.
Cette « mouche à gozzer » ressemble à la mouche bleue, mais elle est un peu plus petite et moins brillante. Cependant, le plus important n'est pas tant de savoir distinguer la mouche que de connaître ses habitudes, bien particulières et différentes de celles des autres mouches.
En effet, quand on veut nourrir des asticots, quelle que soit leur « race », il faut s'assurer qu'une seule espèce de mouche va pondre, et autant que possible celle que vous avez choisie.
Dans le cas de la « mouche à gozzer », ses habitudes sont très simples : elle ne pond que sur de la viande fraîche et dans l'obscurité.
Avant de passer au matériel nécessaire, voyons d'abord quelles viandes utiliser. Chez nous, la plupart des pêcheurs emploient du cœur de porc ou de mouton, qu'on peut se procurer sans aucune difficulté, et qui ne sont pas chers. En fait, beaucoup de viandes conviennent... et rien ne vous empêche d'essayer avec du filet de bœuf ou de l'entrecôte ! On peut également employer des poissons mais pas n'importe lesquels : les meilleurs sont la limande, le carrelet, la truite, la perche et le gardon. Certaines volailles, par exemple, peuvent aussi être utilisés, mais les résultats ne sont pas aussi bons semble-t-il.
Voilà pour la « matière première ». Autre point important : le temps que vont mettre les asticots à se développer. A une température moyenne, il se passera 6 jours entre le moment où la mouche pond et celui où l'asticot a atteint sa maturité. Plus le temps est chaud, plus ce délai se raccourcit et inversement. Vous devez donc en tenir compte si vous voulez nourrir des asticots pour une date déterminée.
Voyons à présent comment vont se dérouler les opérations. Pour la simplicité de l'exposé, supposons que nous avons choisi un cœur de porc comme matière première.
Laver d'abord le cœur à l'eau froide et le débarrasser minutieusement de toute trace de sang. Puis, couper 3 larges entailles profondes dans le cœur, cela enfin de permettre aux jeunes asticots, quand ils naîtront, d'accéder à l'intérieur de la viande sans trop d'efforts.
Prenez ensuite un vaste récipient plastique - un grand seau ou une poubelle - et garnissez le fond de son, sur une épaisseur de 5 cm. Placez le cœur au fond du récipient et mettez celui-ci dans un endroit sombre, un garage par exemple. L'obscurité totale n'est pas nécessaire mais la lumière doit être très atténuée. Il faut, bien sûr, qu'il y ait, dans la pièce choisie, une ouverture vers l'extérieur, fenêtre ou vasistas, pour permettre aux mouches d'entrer. Pour terminer, vous couvrez le récipient, avec des planches par exemple, en laissant juste un étroit passage que les mouches emprunteront pour accéder à la viande. Vous avez procédé à une parfaite mise en place pour attirer les mouches à goz-zer à la recherche de leur nourriture.
On peut alors, à juste titre, se poser la question : combien de temps va-t-il falloir pour que la mouche vienne pondre et, quand elle l'aura fait, comme le saura-t-on ?
En moyenne, les œufs seront déposés dans un délai de 2 à 24 heures. Si, au bout de 24 heures, la viande n'a pas été « ensemencée », deux choses ont pu se produire. Ou bien la température est trop basse : c'est le cas en hiver et les choses sont alors plus compliquées, (je vous indiquerai cependant par la suite comment on peut procéder pour résoudre ce problème). Ou bien vous avez déposé votre viande dans un endroit où il n'y a pas de « mouches à gozzer » : dans ce cas, la meilleure solution consiste à essayer ailleurs.
Supposons cependant que vous n'avez pas eu ces problèmes - assez rares à la bonne période de l'année - et que la viande a bien été ensemencée. Comment le saurez-vous ?
En fait, les grappes d'œufs sont facilement visibles et l'on en trouve généralement à l'entrée de
l'artère principale.
Vous pouvez alors être à peu près certain - à moins d'une rare malchance - que ces œufs ont bien été pondus par la mouche que vous désirez. Il est alors important, à ce moment où la viande commence à se... faisander, de prendre garde que d'autres mouches indésirables ne viennent pondre à leur tour : vous auriez alors un mélange d'asticots de différentes espèces, sans grande valeur pour la pêche.
Il vous faut donc couvrir votre récipient avec une feuille de plastique transparent et fermer avec un élastique autour. Cela empêchera la venue d'autres mouches et vous permettra de surveiller la croissance des asticots de l'extérieur : c'est tout ce qui vous reste à faire. Si les mouches ont pondu une seule grappe d'œufs, un cœur est plus que suffisant pour nourrir les asticots qui en résulteront lesquels procurent assez d'esches pour une journée de pêche.
En règle générale, on considère qu'un cœur peut nourrir deux grappes d'œufs. S'il y en a davantage, il faudra ajouter d'autres cœurs au moment où les asticots commenceront à se nourrir.
Quand vous constaterez que les œufs ont éclos et que de minuscules asticots commencent à grouiller, il faut enlever la feuille de plastique et mettre le récipient dans un autre plus grand, puis replacer la feuille de plastique.
Cette opération est nécessaire car, dès qu'ils commencent à « gigoter », les asticots ont besoin de davantage d'air qu'à l'état embryonnaire. Si l'on continue de couvrir avec un plastique,, c'est qu'il y a encore le risque que d'autres mouches viennent pondre... et c'est également - précaution utile pour le voisinage et la famille - afin de retenir l'odeur (et il y en a !) à l'intérieur du récipient.
Je vous dirai dans mon prochain article ce qui se passe ensuite.
(A suivre)
Colin GRAHAM